Depuis quelque temps je passe l’après-midi dans les ravins à dessiner.
Tous les dessins sont réalisés sur un papier A4.
Pour vous mettre dans l’ambiance, voici un son capté et un texte qui tente de décrire ce que je cherche …
Le pinceau suit le mouvement des feuillages, de l’eau, des rochers du ravin, il saute, danse, virevolte.
Le geste devient malhabile à poursuivre les rayons de lumières, le frémissement du vent.
On perd le fil, on n’y voit plus rien, on en oublie où on est.
Le bruit blanc de l’eau tournoie dans la tête, la trame de l’espace se délite…
Soudain, à nouveau, une forme accroche le regard : vite tremper le pinceau dans l’encre, poser la tache. Est-ce cela ? Non… Mais, presque ! On y était, dans cette feuille du chêne se balançant au vent. On a bien senti le courant d’air.
Quelle jubilation quand le temps d’un dessin, le sentiment du vivant nous traverse.
Tous ces moments de plénitude finiront en gravures ou peintures, et en envies de recommencer à jouer, être là :
commencer cette fois par l’ombre que le rocher jette dans l’eau, suivre les verts bariolés des feuilles jusqu’au ciel, contourner le nuage qui s’évapore déjà, redescendre de branches en branches jusqu’au rocher ensoleillé ; plonger dans l’eau ! Il faut dire, il fait si chaud en cet après-midi de juin…
Corinne Leforestier – Chaudon – juin 2025
Et vous, avez-vous envie de vous perdre dans le paysage ?
Où vous poseriez-vous ?
Le blog prend ses quartiers d’été : prochaine mise à jour le 27 juillet
Ce poème est l’un des plus connus de la poésie Tang.
De nombreuses traductions en ont été faites
1
Tout d’abord, la traduction mot à mot par François Cheng
好雨 / 知時節 bonne pluie / savoir propice saison 當春 / 乃發生 au printemps / alors favoriser vie 隨風 / 潛入夜 suivre vent / furtive pénétrer nuit 潤物 / 細無聲 humecter choses / délicates sans bruit 野徑 / 雲俱黑 sauvages sentiers / nuages tous noirs 江船 / 火獨明 fleuve bateau / fanal seul clair 曉看 / 紅濕處 aube regarder / rouge mouillé lieu 花重 / 錦官城 fleurs alourdies / brocard mandarin ville
◊◊◊◊◊
et sa traduction
Bonne pluie, une nuit de printemps La bonne pluie tombe à la bonne saison
Amène le printemps, fait éclore la vie
Au gré du vent, se glissant dans la nuit
Silencieuse, elle humecte toute chose
Sentiers broussailleux noyés dans les nuages
Seul sur le fleuve, le fanal d’une barque
L’aube éclaire le lieu, rouge et trempé :
Fleurs alourdies sur mandarin en pourpre
traduction François Cheng – l’écriture poétique chinoise
2
Nuit de printemps, heureux qu’il pleuve
La pluie bénéfique connaît bien la saison
elle vient opportunément au printemps, ainsi la vie s’anime
suivant discrètement le vent, elle arrive la nuit
elle humecte les choses doucement , sans bruit
au dessus du chemin, dans la campagne, les nuages sont noirs
sur la rivière, dans ma barque, la lueur du feu solitaire
à l’aube, je vais contempler les bosquets rouges détrempés
les fleurs appesanties dans la ville du brocard
traduction Cheng wing fun & Hervé Collet
Tufu une mouette entre ciel et terre
Edition Moundarren
3
Pour saluer la pluie d’une nuit de printemps La bonne pluie reconnaît la saison
Elle apporte la vie la printanière.
La nuit secrète elle a suivi le vent
Sans un bruit douce humectant toute chose.
Sur le sentier les nuages sont noirs
Du feu rougeoie sur un bateau de pêche.
A l’aube tout est rouge et détrempé :
Cheng-du s’est réveillé – ses fleurs sont lourdes.
traduction André Markowicz – Ombres de Chine
4
Pluie bienfaisante par une nuit de printemps La bonne pluie connaît la bonne saison
C’est qu’au printemps tout va germer et pousser
Elle s’insinue dans la nuit en suivant la brise
Elle nourrit soigneusement sans faire de bruit
Sur les sentiers sauvages même les nuages sont noirs
Seule une lumière brille sur un bateau dans la rivière
Au matin, regardez les fleurs rouges imprégnées d’eau
Elles s’épanouissent partout, dans toute la ville de Brocart
traduction JMG Le Clezio / Dong Qiang
Le flot de la poésie continuera de couler
5
Heureux qu’il pleuve une nuit de printemps La pluie bienfaisante connaît la saison ;
Elle survient justement au printemps.
Elle suit le vent pour glisser dans la nuit ;
Humectant les choses silencieusement.
Sur la route de campagne, des nuages noirs ;
Dans la barque sur la rivière, un feu luit.
à l’aube,on voit les massifs rouges mouillés ;
La ville de Brocart est par les fleurs envahie.
traduction Rémy Mathieu
L’anthologie de la poésie chinoise – Gallimard
◊◊◊◊◊
Le même poème calligraphié horizontalement vers par vers
Écrit à la frontière de Liangzhou – Wang Zhihuan (688 – 742)
Au loin le Fleuve jaune grimpe
jusqu’aux nuages blancs
Tout près, une forteresse solitaire se blottit
au pied d’une haute montagne
Pourquoi la flûte gémit-elle après les saules ?
Parce que le vent printanier ne franchit jamais la Porte de Jade
traduction Shi Bo
calligraphie du poème « Écrit à la frontière de Liangzhou » – Wang Zhihuan en xingshu – corinne leforestier 2025
◊◊◊◊◊◊◊
Exercices préparatoires
pour chaque vers de droite à gauche :
1 style kaishu (régulier), 2 style xingshu (courant),3 style caoshu (herbe folle), 4 et 5 style de Su Dong Po
calligraphie dans le style de Su Dong Po
calligraphie du poème « Écrit à la frontière de Liangzhou » – Wang Zhihuan dans le style de sushi – corinne leforestier 2024
L’air triste des saules : sous les tang existait une mélodie célèbre intitulées « briser un rameau de saule ». A cause de l’homophonie entre saule (柳 liǔ) et rester (留 liú) , le rameau de cet arbre que l’on brisait comme cadeau d’adieu est devenu le cliché de la séparation. La passe de la porte de Jade (玉門關 yumen guan) au nord ouest de 地級市 DunHuang (gansu) constituait pour le voyageur de l’époque l’entrée dans l’inconnu. Au-delà, les terres étaient désertiques. Notes – anthologie de la poésie chinoise – Gallimard Pleiade
le voici chanté par un groupe de rock chinois
Le concert est à retrouver ici
Combien sont glaciaux oreiller et couverture !
Je vois la blancheur sur la fenêtre
La nuit profonde la neige lourdement accumulée
De temps à autre me parvient le fracas de bambous cassés
traduction Shi Bo
calligraphie du poème « neige nocturne » de Bai Juyi en xingshu – corinne leforestier 2025
◊◊◊◊◊◊◊
Exercices préparatoires
pour chaque vers de droite à gauche :
1 style kaishu (régulier), 2 style xingshu (courant), 3 style de Su Dong Po
vers 1
vers 2
vers 3
vers 4
calligraphie dans le style de Su Dong Po
calligraphie du poème « neige nocturne » de Bai Juyi dans le style de sushi – corinne leforestier 2024
une autre calligraphie
calligraphie du poème « neige nocturne » de Bai Juyi en xingshu – corinne leforestier 2025
Monter dans le pavillon Guan Que (cigogne) – Wang Zhihuan (688 – 742)
Le soleil brillant disparaît derrière la montagne
Le fleuve Jaune se jette dans la mer
Si on veut voir plus loin que mille li
Il faut monter encore un étage
traduction Shi Bo
◊◊◊◊◊◊◊
Exercices préparatoires
pour chaque vers de droite à gauche :
1 style kaishu (régulier), 2 style xingshu (courant),3 style caoshu (herbe folle), 4 style de Su Dong Po
Partir au petit matin de la ville de Baidi – Li Bai ()
Je quitte à l’aube la ville Baidi baignée
Dans les nuages multicolores
Et me voilà au crépuscule à Jiangling
Mille li déjà parcourus
Les cris de grands singes ne cessent de résonner
Dans les montagnes des deux rives
Mon bateau léger file parmi dix mille défilés
traduction Shi Bo
poème de li bai calligraphié en xingcao par Corinne Leforestier 2024
poème de li bai calligraphié en xingshu par Corinne Leforestier 2024
poème de li bai calligraphié en kaoshu par Corinne Leforestier 2024
◊◊◊◊◊◊◊
Exercices préparatoires
pour chaque vers de droite à gauche :
1 style kaishu (régulier), 2 style xingshu (courant),3 style caoshu (herbe folle), 4 et 5 style de Su Dong Po
vers 1 朝辭白帝彩雲間 calligraphié en 4 styles
vers 2 千裏江陵一日還 calligraphié en 4 styles
vers 3 兩岸猿聲啼不住 calligraphié en 4 styles
vers 4 輕舟已過萬重山 calligraphié en 4 styles
calligraphie dans le style de Su Dong Po
Su Shi 蘇軾 qui prendra aussi le nom de Su Dong Po 蘇東坡, (voir la fiche wikipedia)
était aussi calligraphe.
un poème de Liu Yuxi calligraphié en xingshu en 2023 par Corinne Leforestier
秋風引
何處秋風至 蕭蕭送雁群
朝來入庭樹
孤客最先聞
Ode au vent d’automne D’où vient ce vent d’automne ?
Son murmure salue les oies sauvages
Dès le matin elles se posent sur l’arbre de la cour
Voyageur solitaire, je suis le premier à les entendre
Improvisation au retour au pays natal – He Zhizhang (689 – 744)
J’ai quitté mon village très jeune
J’y reviens aux cheveux blancs
L’accent du pays est toujours gardé
Mais mes cheveux sont devenus clairsemés
Les enfants me regardent et ne me connaissent pas
Ils me demandent dans un sourire
«D’où venez-vous, voyageur?»
Si loin que vous alliez, si haut que vous montiez, il vous faut commencer par un simple pas. traduction de Pierre Rickmanns – les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère
une autre calligraphie de la sentence
la sentence calligraphiée en caoshu à droite et en xingshu à gauche
contemplant la montagne sacrée La doyenne des montagnes sacrées, à quoi ressemble-t-elle?
Aux pays de Chi et de Lu, vert à n’en plus finir,
la création concentre là sa magie et sa splendeur
l’ubac et l’adret découpent le crépuscule et l’aurore
de ma poitrine élargie naissent les couches de nuages
dans mes yeux tendus traversent les oiseaux qui s’en retournent
je vais escalader jusqu’au sommet,
et d’un regard embrasser les innombrables montagnes minuscules
Traduction : éditions Moundarren – TU FU une mouette entre ciel et terre