Depuis quelques temps déjà, je m’étais promise d’écrire un post sur le premier et le dernier caractère de la célèbre préface du pavillon des orchidées (蘭亭集序) de Wang XiZhi (王羲之 –321-379 ou 303-361).

Regardez attentivement ce fac-similé de l’époque Tang.

La Préface rédigée au pavillon des Orchidées (wikipedia)

En haut à droite, le premier caractère est le caractère 永  : éternel, éternité

En bas à gauche, le dernier est le caractère 文 : écriture, civilisation

Or, ces deux caractères ne sont-ils pas emblématiques ?

De nombreux manuels de calligraphie chinoise présentent le caractère comme un condensé de la technique calligraphique :
il contient les 8 traits fondamentaux à la base du kaishu (écriture régulière)

Quant au  caractère , il pourrait symboliser le fondement même de la calligraphie chinoise.

Selon Cyrille Javary,

L’idéogramme recouvre une vaste plage de sens :
Le premier niveau de sens est: lignes. Toutes les sortes de lignes créées par la nature: les veines dans les bois ou les pierres, les filons dans les mines, les failles dans le jade, etc.
De là il va servir à désigner les lignes observées par les humains, en particulier celles qui formaient les fissurations que les antiques opérations divinatoires faisaient apparaître dans les omoplates de bœufs et les carapaces de tortues.
Puis tout naturellement on a appliqué ce terme aux signes formés de lignes que les devins gravaient directement au poinçon sur les pièces divinatoires pour résumer les informations qu’ils tiraient de la forme de ces fissurations et qui sont devenus… les idéogrammes.
De là surgit le second niveau de sens de ce caractère où se rassemble tout ce qui a trait à la sphère de l’écrit […]
Ensuite, en raison de l’importance de l’écrit dans la pensée chinoise, ce sens va s’élargir jusqu’à signifier: culture et civilisation en général mais aussi: élégance, raffinement, deux niveaux qui se confondent naturellement pour les lettrés qui administrent l’empire deux mille ans durant.

Cyrille Javary – 100 mots pour comprendre les chinois

La légende raconte que Cang Jie, devin de l’empereur jaune, inventa l’écriture.
Il avait quatre yeux et pénétrait tout de son regard :
au-dessus de lui les méandres de la constellation Kui,
et devant lui, les signes de la tortue et les traces des oiseaux.

Voici un portrait de Cang Jie, représenté avec les quatre yeux qui lui permettent de voir les secrets du ciel et de la terre.

Ce portrait est troublant, ne trouvez-vous pas ?

Fixez le cinq minutes …………… vous louchez bien ?

Maintenant, vous êtes prêts à lire les signes que nous ont laissés les mésanges hier :

Alors : que nous ont-elles raconté ?

Comme vous l’aurez deviné, j’aime les histoires, les légendes et les visions qui réenchantent le Monde.

Voici pour commencer 2021 en beauté, une vision de Jean Tardieu  :
un extrait tiré de « l’Homme retrouvé », dernière de ses trois visions de l’Homme.

« Elle évoque pour moi l’attitude d’un homme, qui au lieu d’être effrayé par les énigmes qui se lèvent à tout moment sur ses pas et dont il est, pour ainsi dire, imprégné, s’accoutumerait à concevoir le mystère, le « Surnaturel » et la Contradiction comme une sorte de nécessité de l’être, comme une des conditions indispensables de toute vie, comme inséparable de sa pensée, de la nature et du monde, presque comme une dimension de la réalité. »

[…]

Ce serait plutôt, si l’on veut, une attitude devant la vie, une attitude panique et poétique, car elle s’accompagnerait d’une sorte d’enivrement de l’esprit devant la grandeur de ce qui nous dépasse et nous contient, devant l’infinie diversité des apparences auxquelles nous sommes mêlés. […]

Tardieu Oeuvres – quarto gallimard p 554

 

Bonne année 2021 remplie de mystères à contempler et d’écritures à inventer !


Quelques références à consulter pour ceux qui souhaiteraient approfondir ces sujets :

Wikipedia  : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caract%C3%A8res_chinois

Un dossier de la BNF : http://expositions.bnf.fr/chine/arret/1/6.htm

 

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